Traversée d’Okap avec l’aïeul - Stanley Péan

        Perché à flanc de morne au-dessus de la ville, à une demi-heure de route de l’aéroport Hugo Chavez, l’hôtel surplombe la magnifique baie ouverte sur la mer des Caraïbes. À la ravissante métisse au teint caramel et aux allures de top-model qui m’accueille, debout derrière le comptoir de la réception, je tends mon passeport et la fiche confirmant ma réserva¬tion. Bien que je me sois adressée à elle en français, la prénommée Krystèle — j’ai lu l’épinglette à sa boutonnière — me salue et me pose les questions d’usage dans un anglais hésitant, un choix sans doute inspiré par ma pièce d’identité étasunienne et mon patronyme anglosaxon. Sur un ton enjoué, je lui propose de poursuivre l’échange en créole si elle est plus à l’aise dans la langue de Maurice Sixto. Elle m’octroie en guise de réponse un sourire ravageur.

        Elle fronce les sourcils en ouvrant le passeport, signe d’une perplexité qui persiste tandis qu’elle me compare à ma photo.

        — Quelque chose ne va pas ?

        — Non, non, dit-elle de sa voix fluette de jeune Haïtienne de bonne famille. C’est juste que vous me rappelez une dame que j’ai connue…

        — Ah bon ? Qui donc ?

        Elle hésite, peut-être de peur de commettre une indiscrétion. Sans doute les règlements de l’établissement proscrivent-ils ce type d’interaction avec la clientèle forcément friquée venue de l’étranger. Un simple clin d’œil agrémenté d’un sourire suffit cependant à dissiper toute crainte d’une plainte à la Direction.

        — Je trouve que vous ressemblez à Adriana Angrand.