J’acquiesce de la tête. Ce n’est pas la première fois qu’on me signale mon air de famille avec cette personnalité capoise qui a pendant longtemps tenu une pharmacie au centre-ville.
— Adriana était la cousine de ma mère.
— Eh bien, moi, c’était ma grand-mère !
— Alors, ma belle, nous sommes petites-cousines, lui dis-je en lui serrant chaleureusement la main.
N’étant pas très chargée, j’allais monter toute seule vers ma chambre, mais la Krystèle insiste pour qu’un des chasseurs s’occupe de mon léger bagage. Je tiens tout de même à garder mon ultrapor-table en bandoulière et aussi, surtout, mon petit sac de voyage contenant l’urne serré contre mon ventre. Par principe également. Je ne m’en suis pas départie depuis la veille et n’en ai pas l’intention avant la mise en terre après-demain. Par principe. Ma mère n’avait-elle pas pour son dire : chose promise, chose due ?
Maman. Comme il m’est difficile de penser à toi à l’imparfait. Je ne m’habitue pas encore. M’habituerai-je un jour ?
— Pour m’épargner l’agitation qui règne en permanence dans la capitale, j’ai choisi un trajet qui me mènerait Okap sans passer par Port-au-Prince. À l’aéroport cet après-midi, le douanier ne faisait que son boulot quand il m’a interrogée sur le contenu de ce vase en bronze, mais je n’ai pas apprécié son attitude inquisitrice, soupçonneuse.
— Monsieur, je ramène les cendres de ma mère dans sa ville natale comme je lui ai juré.
Je sais, même si la dictature est censément chose du passé, il vaut toujours mieux ne pas contrarier un homme en uniforme ici comme n’importe où ailleurs de toute manière. Quelque chose — mon port, mon expression, mon regard peut-être — a cependant dissuadé l’officier de pousser plus loin son enquête. Franchement, si j’essayais d’entrer au pays avec de la cocaïne ou une autre drogue de contre-bande, n’aurais-je pas opté par stratégie pour une attitude plus conci-liante ? Du reste, avais-je une gueule de trafiquante, moi ?